EDITORIAL
Projet de réglementation de la limitation du temps de vol
La confirmation de l’inscription à l’EPAS de la tâche réglementaire RTM 0494 (voir la lettre d’information UFH de la semaine dernière), a suscité plusieurs types de réactions, entre les exploitants qui s’insurgent contre la reprise d’un projet dont ils avaient cru être débarrassés, des médias qui se demandent pourquoi le dossier inquiète le secteur, et les cadres de l’administration qui ne semblent pas comprendre les raisons de cette opposition.
C’est que le sujet des FTL est particulièrement délicat.
Les raisons des réticences que cette tâche réglementaire suscite, sont faciles à comprendre : L’Europe n’est pas habilitée à légiférer sur l’organisation et le financement des secours et de l’offre de soin, ni sur le droit du travail. Elle n’a pas la main sur les règles d’organisation du travail qui relève des négociations sociales propres à chaque État membre. Elle ne peut donc pas légiférer sur des données comme la prise en compte des périodes d’alerte dans le calcul du temps de repos. Dans le cas des vols HEMS, l’organisation des secours doit aussi être compatible avec les règles applicables au personnel médical, voire aux pompiers. Pour corser le tout, les intervenants sur une même mission peuvent relever de statuts très différents qui dépendent d’une organisation sur laquelle l’Europe n’est pas compétente. Sur une même intervention, il peut y avoir des militaires, des bénévoles de la croix rouge et des fonctionnaires au côté des employés du secteur civil sous contrats d’Etat.
En outre, dans le cas des missions HEMS, il existe des notions qui ne sont pas appréciées de la même façon en fonction des pays. Elles se rapportent en particulier :
- A la durée des missions qui peuvent être indépendantes des temps de vol, quand par exemple, l’équipage doit attendre sur les lieux de prise en charge, que le patient soit stabilisé et transportable.
- A la prise de risques graduées et assumées en fonction de l’enjeu.
Quant aux opérations de travail aérien, elles sont tellement diverses que l’harmonisation européenne a provoqué la création de la réglementation SPO (opérations spéciales) dont l’application est souvent cauchemardesque, tant pour les opérateurs d’hélicoptères que pour les autorités chargées de les approuver.
Or, en travail aérien, il est rarement possible de fixer à l’avance la durée de chaque vol. Le temps qu’il faut pour replacer la statue de l’Archange au sommet du Mont Saint Michel, ou pour démanteler un pylône électrique, peut varier facilement du simple au triple. Il suffit par exemple que les conditions météo rencontrées ne soient pas exactement conformes aux prévisions annoncées.
Face à ces motifs, l’agence avait déjà dû abandonner cette tâche réglementaire il y a 6 ans au grand soulagement des exploitants qui avaient milité en ce sens. Ils avaient été aidés par l’expression manifeste des divergences entre les autorités des États membres, et avaient à l’époque obtenu l’appui de certaines autorités nationales (dont la DGAC) pour faire retirer le projet.
Or le cadre général n’a pas changé depuis. Pour la filière de l’hélicoptère européen, l »insistance à relancer la NPA est donc quelque peu surprenante, d’autant que, sauf erreur, ce n’est pas le facteur clé sur lequel jouer en priorité pour l’amélioration de la sécurité des vols. On parle de vols relativement brefs au service d’une activité assez peu abondante. Les pilotes SMUH ne sont pas ceux qui volent le plus, certains même ont tendance à s’en plaindre. Les législations nationales relevant du droit du travail et des négociations sociales apparaissent à même de gérer le paramètre.
Les discussions que nous avons sur ce dossier confirment que l’EASA est consciente de la problématique particulière que poserait l’application d’une réglementation communautaire sur la limitation du temps de vol des équipages d’hélicoptères. Serait-il possible que l’agence soit poussée, peut-être contrainte, à insister pour légiférer sur ce point, par quelques autorités nationales influentes ? Y aurait-il des motivations étrangères à la seule sécurité des vols? Ou sommes-nous simplement face à l’application intransigeante de l’esprit de système et du principe de précaution?
L’EASA a publié la semaine dernière un document intitulé « A Day in the life of a Pilot« . Il se rapporte exclusivement au domaine du transport commercial en avion au sujet duquel le traitement harmonisé de ce problème peut se concevoir avec des règles applicables. Le document parle d’ailleurs bien de « airline aircrew« .
Du point de vue des opérateurs, souvent rejoints par leurs donneurs d’ordre et même par leurs personnels, vouloir transposer ces concepts au domaine de l’hélicoptère n’est simplement pas possible, sauf peut-être dans le cas particulier de l’activité offshore. Ce cadre n’aboutirait qu’à devoir multiplier à l’infini les demandes de moyens alternatifs de conformité et à gérer des dérogations nationales, donc à alimenter le fardeau administratif dans des secteurs où l’on n’a vraiment pas besoin d’accroître artificiellement les contraintes dans des domaines déjà saturés comme le service héliporté à la demande et la Santé.
Bien cordialement