L’Hélicoptère n°1 en vol à Valentigney en janvier 1921. Crédit :Musée de Montbéliard
Etienne Oehmichen (15 octobre 1884 – 10 juillet 1955), c’est déjà l’homme des premiers « vrais » vols libres montés en hélicoptère. Après les sauts de puce de l’avant-guerre ( 1 ), Berliner a réussi à voler en 1920, mais en faisant maintenir sa machine complètement instable par de solides gaillards.
Les choix d’une époque qui n’a pas encore été traversée par le génie de Cierva se portent sur des sustentateurs totalement rigides, donc très instables. Oehmichen, ingénieur centralien, choisit la solution d’un ballonnet ( 2 ) pour stabiliser son Hélicoptère n°1, et c’est ainsi qu’en janvier 1921 il est le premier à s’élever librement et à se maintenir en l’air pendant plusieurs dizaines de secondes. L’appareil a été intégralement financé par la SAACP ( 3 ) dans le cadre du « Laboratoire Oehmichen-Peugeot », créé en 1920 à Valentigney.
Le franc comtois se passionne pour l’étude du vol animal ; il en tire la théorie de la « récupération de l’énergie dans les fluides », qu’il applique aux sustentateurs de ses deux premiers appareils. Le profil très cambré des voilures (plus de 14%) ne fonctionne qu’à basse vitesse ; fort heureusement son Hélicoptère n°2 ne dépassera pas 130 tours et 30 km h en translation. C’est avec ce complexe quadrirotor, dont les trois axes sont pris en compte par des hélices d’évolution, qu’Oehmichen obtient du STAé un contrat de développement.
Peugeot en assurera la gestion financière en recevant les primes octroyées par l’Etat sur démonstration de performances :
- Un vol stationnaire d’au moins cinq minutes,
- L’emport d’une masse de 200 kg en plus du pilote et du carburant,
- Un parcours en vol autour d’un triangle de 1 kilomètre de périmètre.
Toutes performances qui seront intégralement atteintes. L’Hélicoptère n°2 reste ainsi dans l’Histoire comme le premier hélicoptère à obtenir un record mondial validé par la FAI (circuit de 360 mètres le 14 avril 1924) et à parcourir un kilomètre en circuit fermé, le 4 mai 1924. Le kilomètre en circuit fermé ne sera finalement dépassé que par Maurice Claisse, sur le Gyroplane GY Laboratoire, onze ans plus tard.
L’Hélicoptère n°2 au printemps de 1924. Crédit : Musée de Montbéliard
Après avoir quitté Peugeot, le franc-comtois développe encore cinq appareils à voilure tournante, et prend avant 1930 plusieurs brevets marquants : l’hélice anti-couple, des dispositifs de stabilisation gyroscopique à l’orthogonale des pales ( 4 )… A l’exception du n°3, un monorotor, et du n°6, un démonstrateur de la stabilité statique, ses machines résultent d’un concept de son invention, l’hélicostat. Un hybride d’hélicoptère et de dirigeable plus maniable et moins volumineux.
Cet « ingénieur aux mains sales » qui a su allier la science et les techniques pour approfondir les connaissances de son époque, termine sa carrière au Collège de France. Il y installe en 1939 la chaire d’Aérolocomotion mécanique et biologique, qu’il tiendra jusqu’à quelques semaines avant son décès. Il repose aujourd’hui en bordure de l’aérodrome de Courcelles-lès-Montbéliard, là même où bruissaient ses
sustentateurs il y a cent ans…
- Léger, Breguet, Cornu en 1907 et 1908, puis Ellehammer en 1912.
- C’est son volume statique qui sert de stabilisateur. Les 144 m 3 d’hydrogène ne procurent que quelque 70 kg de lift, à peine le poids du pilote.
- Société Anonyme des Automobiles et Cycles Peugeot.
- Pas éloignés du tout des concepts ensuite développés chez Bell et par Hiller…