La promulgation de la consigne opérationnelle F-2021-05 Édition 2 et l’édition de l’opinion 2022 – 08 sur les conditions d’exécution des vols en montagne, ont engendré une séries de réactions extrêmement réservées de la part des exploitants d’hélicoptères de quelques pays européens dont la France. La synthèse d’information de l’UFH s’en est déjà largement fait l’écho.
Cette initiative est probablement une occasion manquée car elle avait à l’origine parmi ses objectifs, l’ambition d’assouplir les conditions d’emploi des hélicoptères monomoteurs et de clarifier la définition des missions d’assistance urgentes non médicales en montagne.Hélas, comme l’explique une nouvelle fois Christophe Rosset dans le courrier ci-dessous qu’il a adressé le 17 novembre à l’EASA pour l’alerter sur le contenu de ce texte, son entrée en application ne serait pas de nature faciliter les opérations, au contraire.
Bonjour à tous,
Je vous prie de trouver ci-après nos remarques concernant la rédaction actuelle de l’opinion 08-2022 concernant la réglementation future du secours en montagne.
Il semble que nous ayons une lecture et une compréhension différente de la problématique comme de l’interprétation du projet de texte.
De notre point de vue, ce règlement ne permettra plus d’effectuer, selon nous, certains secours en mono-turbine, au préjudice des personnes à secourir.
En préambule, nous affirmons que vouloir inclure le secours en montagne dans l’EMS reste une hérésie.
La justification qui tient dans la similitude des risques pour les deux activités, ne prend aucunement en compte les spécificités du secours en montagne et l’environnement spécifique dans lequel s’effectue ces missions. Inclure dans le HEMS des missions sling et des missions de secours sur avalanche relève du non sens, à moins qu’à terme le SPO et le SAR deviennent aussi des missions HEMS.
On pourra amener sur des hélistations en toiture d’hôpital des victimes en sling…..est ce un progrès ?
Vouloir imposer à tous les pays membres de l’EASA le même règlement, sans tenir compte des spécificités propres à chaque pays dans l’organisation de ses secours, va conduire à diminuer l’efficacité des secours héliportés au détriment des blessés.
Lorsqu’un hélicoptère HEMS est indisponible une ambulance routière peut assurer le transport du patient, lorsqu’un hélicoptère de secours en montagne est indisponible il ne pourra être suppléé par une ambulance, là est une partie de la différence entre ces deux missions, de même que le matériel nécessaire, les moyens à mettre en œuvre, la formation des équipages….
Selon la localisation ou non de la victime, l’urgence ou non de la mission au moment de son déclenchement, la nécessité de médicaliser ou non le vol et enfin l’altitude à laquelle se situe la victime les moyens engagés pour la secourir seront différents, avec potentiellement des pertes de chances associées.
Les pilotes devront beaucoup réfléchir avant de décoller pour savoir s’ils respectent ou non la réglementation et s’ils décollent en monoturbine interrompre la mission en arrivant sur site, en fonction de l’altitude réelle à laquelle se trouve la victime…pour respecter le règlement, l’interrompre si le blessé est finalement localisé par le demandeur du secours avant l’arrivée sur site de l’hélicoptère…. Il serait préférable que les équipages se concentrent sur la réalisation de la mission en sécurité et non sur des aspects réglementaires tatillons et inapplicables dans la réalité, la VRAIE VIE
Si ce texte est maintenu, nous souhaitons ardemment qu’il intègre une phrase relevant du bon sens, qui soit la suivante :
« Dans le cadre des secours en montagne, en cas d’indisponibilité ou d’insuffisance des moyens réglementaires ou faute de moyens adaptés, pourront être engagés en cas de détresse vitale et à toute altitude des hélicoptères mono turbine qui ne pourront toutefois pas survoler une zone hostile habitée »
Commentaires sur les différents articles du texte actuel :
. 2-3-1 Public Interest Site
L’intransigeance de l’EASA va conduire indéniablement à la fermeture de DZ d’établissements hospitaliers par manque de servitudes aéronautiques.
Les PIS doivent être de la responsabilité de chaque Etat membre de l’EASA.
. 2-3-10 Seating of the TCM in the front seat
Une autre différence entre le secours en montagne et l’EMS
La sécurité impose pour la majorité des missions de secours en montagne et plus généralement pour les atterrissages en montagne, que l’assistant de vol informe le pilote sur la hauteur des patins et sur le fait que le rotor anti-couple et la queue de l’hélicoptère sont dégagés (uniformité du relief, difficulté d’appréciation de la hauteur, jour blanc…) De fait le TCM sur la majorité des hélicoptères, doit se tenir au niveau de la porte coulissante arrière de la cabine.
Le texte doit donc prévoir une exception supplémentaire pour les missions de secours en montagne.
Comme déjà évoqué, un certain nombre de secours ne pourront plus être réalisés ou dans des conditions de sécurité dégradées, sans la phrase que nous souhaitons voir incluse au règlement. Il est excessivement difficile de les chiffrer, tant le nombre et le type de secours sont fonction de la qualité et la quantité de neige (pistes glacées, avalanches), des effets du vent (plaque à vent), de la visibilité (jour blanc)…
La disponibilité des hélicoptères est aussi variable en fonction de l’amplitude du jour aéronautique, de la saturation éventuelle des services d’urgences de certains établissements et des problèmes techniques ou d’approvisionnement en pièces détachées, de l’équipement ou non avec un treuil de l’hélicoptère, des opérations de maintenance…
Certaines missions de secours peuvent être très longues et rendre un hélicoptère indisponible plusieurs heures. Durant l’hiver 2021-2022 après la parution de la consigne opérationnelle française, il y a eu jusqu’à 3 heures d’attente, une mission non urgente finissant par devenir urgente. Engager un secours de nuit en montagne n’allant pas dans le sens de la sécurité, il faut l’éviter pour diminuer les risques.
La rédaction actuelle de l’opinion ne permettra plus :
- d’utiliser un Écureuil sauf pour l’HEMS treuil et sling du fait de l’obligation pour le TCM d’être assis sur le siège avant;
- d’intervenir sur une avalanche en monoturbine dès lors que l’on considère que la position de la victime est connue sous un avalanche (concept nouveau) en deçà de 8000 ft et que la mission est urgente (ce qui indéniable pour une personne ensevelie);
- d’acheminer le personnel et les chiens sur une avalanche (besoin souvent de plusieurs hélicoptères) jusqu’à 8000 ft dès lors qu’on considère qu’un pisteur ( éventuellement maître chien) peut qualifier le vol comme médicalisé;
- à un hélicoptère mono turbine d’acheminer du personnel médical mais uniquement du personnel technique auprès de victimes et ce jusqu’à 8000 ft (vous êtes médecin, pisteur, dommage on ne peut pas vous transporter, attendez un biturbine);
- à un mono turbine d’intervenir si les bi ne sont pas disponibles (pour une victime localisée, mission urgente et médicalisée par le médecin station disponible) jusqu’à’ 8000 ft (un hélico et un médecin disponibles mais pas de secours, dommage…);
- à un mono équipé treuil d’intervenir alors que les bi disponibles ne sont pas équipés de treuil (pour une victime localisée, mission urgente et médicalisée en dessous de 8000 ft.
Ceci s’ajoutant à l’interdiction d’effectuer un treuillage en mono turbine en air ambulance, dès lors que la victime est localisée ( on fait courir des risques importants aux équipages en leur imposant de se poser plutôt que d’opérer en sécurité avec un treuil, en les exposant inutilement au jour blanc, au nuage de neige poudreuse, aux pistes glacées…).
En France, chaque saison d’hiver (entre 3 et 5 mois), ce sont tous massifs confondus entre 8 et 12 hélicoptères mono turbine équipés de treuil qui interviennent pour des communes sur lesquelles se trouve un domaine skiable.
Financer un hélicoptère valant plusieurs millions d’euros sur une période aussi courte est impossible, sauf à être un automobile-club national, une fondation et ne pas être mis en concurrence par des appels d’offres.
Les règles de mise en concurrence, en effet, ne s’appliquent que dans quelques pays de la zone EASA dont la France, ce qui devrait être le cas dans l’ensemble des pays si l’on veut uniformiser les pratiques et règlements.
POUR les VICTIMES d’accident en montagne, l’EASA doit soit exclure le secours en montagne de ce texte soit l’amender fortement
FAITES LE POUR LES VICTIMES
Cordialement
Christophe Rosset
Président du SNEH
Coprésident de l’Union Française de l’Hélicoptère