René Mouille, l’homme qui a dessiné les Alouette et les a conçues en grande partie, s’est éteint dans sa 95ème année, dans la nuit du 10 janvier, à La Roque d’Anthéron (13). Avec lui disparaît un des derniers pionniers français qui ont fait de l’hélicoptère un moyen opérationnel performant.
René Mouille naît le 30 octobre 1924, près de Lille. Curieux de tout, attiré par les techniques, il choisit ce domaine professionnel et intègre l’Institut Catholique des Arts et Métiers de Lille, dont il sort major de promotion pour rejoindre l’Ecole Spéciale des Travaux Aéronautiques (ESTAé) de Paris. Mais c’est en 1945 que le déclic se produit : effectuant son stage de fin d’études à la Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Sud-Est, auprès de Pierre Renoux, ingénieur en chef au bureau d’études hélicoptères, il y rencontre ce qui sera la passion de sa vie. Entré définitivement à la SNCASE, il y participe aux études des SE 3101 et SE 3110, et révèle très vite des talents de concepteur ; il est nommé responsable des études d’hélicoptères à la fin de 1950.
A ce moment, le devenir de la petite structure dédiée aux voilures tournantes chez Sud-Est est gravement menacé. Mais Mouille parvient à mettre au point le SE 3120 Alouette I, avec lequel Jean Boulet établira plusieurs records. Adjoint ensuite à Charles Marchetti, il dessine le SE 3130 Alouette II, qui va ouvrir aux hélicoptères français la voie de l’industrialisation : 1305 exemplaires en seront construits. Après quoi ce seront l’Alouette III, le Puma, la Gazelle, le Lama… Nommé dès 1963 ingénieur en chef de la division hélicoptères de Sud-Aviation, René Mouille est l’auteur d’une bonne quarantaine de brevets, et il a initié une grande quantité d’innovations techniques apparues sur les hélicoptères français : du rotor anti-couple du SE 3200 Frelon, dont le principe a été repris sur le SA 330 Puma, au célébrissime fenestron, des adaptateurs de fréquence viscoélastiques apparus avec la Gazelle au moyeu rotor rigide Starflex, qui équipe Les Ecureuil et les Dauphin…
Grandement reconnu par ses pairs malgré sa proverbiale modestie et sa discrétion, René Mouille s’est vu entre autres distinctions décerner en 1979 le Prix Alexander A Klemin de l’American Helicopter Society ; il était le deuxième français à obtenir cette distinction, après Louis Breguet. Il a aussi reçu en 1987 le Grand Prix de l’Association Aéronautique et Astronautique de France.
Quand René Mouille a conçu le SE 3120, aucun hélicoptère français n’avait été industrialisé. Trente-huit ans plus tard, quand il a fait valoir ses droits à la retraite de Directeur des Études et du Développement il avait accumulé une expérience unique, et Aerospatiale était parmi les tous premiers hélicoptéristes au monde… C’est dire l’impact que le travail que cet ingénieur d’exception a eu sur l’industrie française des voilures tournantes. On a dit de lui qu’il est « le père spirituel » des hélicoptères français ; il a effectivement accompagné très intimement le développement de cet extraordinaire outil de progrès pour l’homme.
René Mouille, titulaire de la médaille de l’aéronautique, était chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur et dans l’Ordre National du Mérite.