L’Union Française de l’Hélicoptère rend hommage à André Morel, décédé le 29 juillet 2016. Grand ancien de l’ALAT, il fait partie de ces pilotes « historiques » qui ont été les défricheurs et organisateurs des métiers de l’hélicoptère.
Né le 7 mars 1921 à Bagnères de Luchon, le petit André se passionne pour les choses de l’air. Adolescent il construit et fait voler avec grand succès des modèles réduits. Les études l’intéressent modérément, ses rêves l’emmènent par-delà les nuages… Incorporé en 1941 dans les Chantiers de jeunesse, il y montre des qualités de chef. Cette période tourmentée lui fournira l’occasion de vivre les premières sensations du vol, seul à bord d’un planeur, mais aussi de prendre des décisions fortes. Ainsi va-t-il s’impliquer dans la résistance et participer aux combats de la libération de Castres, avant de « monter vers le Nord » avec son unité, intégrée à la 1ère Armée. La fin du conflit le trouve sous-officier, titulaire de la Croix de Guerre.
Après la guerre, affecté en occupation en Autriche, André Morel profite de son temps libre pour organiser avec quelques camarades une petite activité de vol à voile, avec un planeur SG38 qu’il modifie en biplace. Cette école de pilotage embryonnaire lui donnera l’occasion de se faire repérer, et régulariser officiellement comme pilote instructeur de planeur. Puis il rencontre Charles Petitjean. Officier pilote dans l’Aviation Légère d’Observation d’Artillerie, cet ancien pilote d’autogire va lui faire passer son brevet de pilote d’avions, et deviendra son plus grand ami et son mentor…
Devenu moniteur au légendaire CPOA([1]) de Mayence-Finthen, puis moniteur de voltige, André Morel évolue vite ; c’est un pilote-né, à la fois instinctif et intelligent, toujours volontaire pour voler. Bientôt chargé d’essayer des appareils pressentis pour la toute nouvelle ALAT, il va inscrire à son carnet de vol divers prototypes : Potez 75, Nord 3200, Farman Monitor… Lors d’une mission au CEV ([2]), il tâtera même du réacteur : après une initiation au Gloster Meteor il est lâché sur Fouga Magister. C’est à ce moment que Charles Petitjean, chargé d’évaluer l’hélicoptère Djinn pour le compte de l’ALAT, lui offre de l’accompagner pour une série de vols sur ce petit biplace. Ainsi André Morel va-t-il être lâché sur hélicoptère au bout de 2h et 20 mn à bord d’un Djinn de présérie. Il obtiendra son brevet de pilote privé hélicoptère quelques mois plus tard, en avril 1956. Une nouvelle aventure s’ouvre alors aux deux hommes : un déplacement aux Iles Kerguelen avec un Djinn de l’ALAT, dans le cadre de l’année géophysique internationale (1957). Une mission qui va marquer André Morel, et lui permettre d’affirmer son talent pour le vol en conditions difficiles.
Dès son retour des Kerguelen, il prend ses fonctions chez Hélicoptère Service où il retrouve ses origines ; il devient pilote de montagne ([3]). Les Alpes, puis ses chères Pyrénées, seront son jardin pendant seize ans. Il y contribuera grandement au développement de nombre d’activités, aujourd’hui devenues banales pour les exploitants d’hélicoptères dans ces régions.
La fin des années cinquante est aussi, pour André Morel, l’occasion de missions exaltantes en Afrique du Nord, à bord des Bell 47 de Gyrafrique, en soutien aux opérations de recherche pétrolière dans le grand Sud, mais aussi dans quantité d’autres tâches. Là encore, les conditions sont ardues, parfois aventureuses… Là aussi on défriche de nouvelles techniques, de nouveaux métiers…
Très attaché au développement des activités hélicoptère, André Morel adhère au Groupement Français de l’Hélicoptère à l’instigation de Lionel Poilâne, avec qui il entretient des liens d’amitié. Il y contribuera au bulletin de liaison de l’association, et n’hésitera jamais à faire profiter ses jeunes collègues de sa grande expérience. Ainsi continue-t-il, au rythme de ses aventures de pilote, une carrière extraordinaire. Devenu cadre dirigeant de la société Gyrafrance, il se donnera corps et âme à sa tâche sans pour autant cesser de voler. Il n’en ira d’ailleurs pas différemment quand la retraite s’annoncera. Comme il l’écrit dans les dernières lignes de ses deux livres ([4]), tant que la visite médicale le déclarera apte, il continuera à piloter, et à former des pilotes, avec la même passion et le même engagement. Sur Bell 47, bien sûr.
([1]) Cours Pratique d’Observation Aérienne. Structure qui a précédé l’Ecole de Spécialisation de l’ALAT
([3]) Il y fera découvrir l’hélicoptère à Jean-Claude Roussel, PDG de Roussel-UCLAF, et le convaincra qu’il y a quelque chose à faire dans l’hélicoptère… Quelques années plus tard, Jean-Claude Roussel fondera la société Héli-Union.
([4]) Dans le ciel du désert, aux Editions Causse en 1996, et Carnets de route , aux éditions de l‘Officine en 2001